Le Jammin’ Juan 2024 se présente sous des auspices très cosmopolites. La sélection de cette année a en effet retenu des artistes venus de tout le continent. Choix de l’équipe de sélection autant que signe de la vivacité de la création musicale actuelle, et bien au-delà des bases européennes d’où sont issus les groupes, c’est plus largement des quatre coins de la planète qu’est issue la programmation entendue durant ces trois journées, souvent porteuse d’un idiome géographique très marqué. On entendra ainsi : Mehmet Polat, joueur de oud d’origine turque, le pianiste argentin Pablo Murgier, Djazia Satour qui chante dans la langue de son pays d’origine l’Algérie, la chanteuse contrebassiste franco-mexicaine Julia Richard, les Bretons de ‘Ndiaz, Helena Recalde, chanteuse et bassiste équatorienne, Arin Keshishi bassiste arménien, le pianiste Géorgien Giorgi Mikadze. De plus, la moitié des groupes présents cette année ont une composante vocale dont la langue d’expression porte la signature de l’origine.
Notre attention a été retenue par quelques groupes dont la dimension de jeu collectif confère à la musique jouée sur scène une circulation éclatante.
NO(w) Beauty (c) Patrizio Gianquintieri
No(w) Beauty, quartet franco-américain, est un collectif, et ça s’entend. Pas de leader donc, une musique qui circule, même si le trompettiste Hermon Mehari, originaire de Kansas City, occupe magnifiquement le devant de la scène. Une contrebasse atypique ponctue de grandes plages au piano (Enzo Carniel) ou à la trompette. De la beauté ? Oui.
Mohs (c) Patrizio Gianquintieri
mohs est un quartet électro jazz, où synthé planant et trompette flottent de manière très apaisée sur la rythmique frénétique des baguettes du batteur, tandis que la guitare, cristalline, penche vers un son proche du folk. Les compositions, dont les titres, “Mirage”, “New Places”, “Castles in the sky”, donnent une idée de la direction prise par ces musiciens pour la production de leur dernier album (paru sur l’éclectique label BMM Records), sont de très belles balades planantes, aux arrangements très élaborés.
INK African Roots (c) Patrizio Gianquintieri
INK African Roots se présente comme un imposant dispositif sur la petite scène du Jammin’ Juan. En effet le quintet du batteur et compositeur Victor Gachet s’est enrichi de deux chanteurs / percussionnistes burkinabés. Une articulation entre des sources musicales originales qui sur scène produit un groove efficace. On comprend, en regardant le t-shirt à l’effigie du président révolutionnaire Thomas Sankara porté par le percussionniste, que le sens des origines est profondément ancré. Les deux vocalistes, qui s’expriment dans l’idiome burkinabé, confère à ce bel ensemble une dimension profonde et voyageuse.
The Cuban Jazz Syndicate (c) Patrizio Gianquintieri
Le Cuban Jazz Syndicate, emmené par le batteur et vocaliste Michael Olivera, fait une musique réellement enthousiasmante, à laquelle le brio du trompettiste Carlos Sarduy contribue largement. Rien ne manque durant cette session pour transporter la salle très loin du côté du soleil, avec cette touche très particulière qu’apporte la voix de Michael Olivera, formé à La Havane et baigné depuis l’enfance dans les rythmes et mélodies cubains traditionnels.
Rouge (c) Patrizio Gianquintieri
Les soirées du Jammin’ Juan proposent chaque jour un concert dans la grande salle du Palais des Congrès. A l’affiche, notamment, une formation issue du dispositif Jazz Migration, le trio Rouge, emmené par la pianiste Madeleine Cazenave. Le trio présente leur second album, élégamment baptisé “Vermeilles”, qui se révèle être une petite merveille : de mélodies, de raffinement, de précisions, et d’atmosphères. Chaque titre propose, à partir de mélodies initiées par le piano, de longs développements amplifiés par les machines du batteur Boris Louvet. En sortant du concert de Rouge, on est dans les étoiles.
Patrice Presles